Brève des Jeunes MR | Le contre-diagnostic des Jeunes MR sur l’État de la Wallonie

« La Wallonie va mieux ! Elle reprend du terrain sur les autres régions de Belgique et sur l’Europe. »

Nous étions persuadés que le Ministre-Président wallon, Paul Magnette, allait nous servir cette entrée en matière lors de son discours sur l’État de la Wallonie. C’est un classique et nous n’avons pas été déçus. C’est presque une méthode d’autosuggestion qui revient à dire que si la distance entre la Wallonie et les autres régions d’Europe se réduit légèrement chaque année, le sud du pays finira bien, à un moment ou à un autre, par rattraper son retard. Pourtant, la Wallonie pourrait courir derrière la balle encore des années durant. En tant que jeunes, la perspective d’hériter d’une Wallonie à la traine nous inquiète et nous souhaitons du Gouvernement wallon de vrais remèdes et pas de simples politiques « placebo ». L’heure est au fact-checking car sans bon diagnostic, comment prescrire les bons remèdes ?

Bilan de santé économique. Nous ne pouvons pas le nier : la Wallonie – comme l’ensemble des régions d’Europe – a subi les crises de 2008-2009 dont les conséquences se sont fait ressentir à partir de 2012 sur son économie. Toutefois, depuis quatre ans maintenant, la Wallonie retrouve petit à petit une croissance positive pour atteindre, selon les dernières estimations de l’Iweps, 1,4% en 2016. Une bonne nouvelle ? Oui, si on met de côté le fait que la région représente à peine un quart du PIB belge. D’ailleurs, si l’on se réfère au PIB par habitant en SPA[1] et aux chiffres du CESW, on notera que la Wallonie – malgré la croissance de son PIB en SPA – se stabilise à 13% en dessous de la moyenne européenne depuis six ans. En d’autres termes, le PIB wallon augmente… Mais au même rythme que celui des autres régions de l’UE. En conclusion, la Wallonie consolide son retard. N’oublions pas que la bonne dynamique de notre économie est la garantie d’avoir des emplois et de permettre aux jeunes de se construire un avenir prospère.

Syndrome chronique du Marché du Travail inadapté. Lors de son précédent discours sur l’État de la Wallonie, Paul Magnette faisait part de son enthousiasme face à une croissance « encourageante » (+0,7%) du taux d’emploi en Wallonie. Il a récidivé. Il n’a pas manqué de comparer ce taux à ceux des autres pays européens comme l’Allemagne, faisant aussi bien que la Wallonie à ce niveau-là. Toutefois, ce que le Ministre-Président omet de dire, c’est que l’emploi intérieur en Allemagne se situe à 77% alors que celui de la Wallonie n’est qu’à environ 60% selon le Bureau fédéral du Plan et l’Iweps. Comparaison n’est pas raison, qui plus est quand on sait que la création d’emploi va se tasser en Wallonie comparé aux autres régions de Belgique selon les prévisions de l’Iweps. En réalité, le taux de chômage wallon réel reste relativement stable et cela, pour deux raisons : d’un côté, trop de demandeurs d’emplois wallons sont sous-qualifiés puisque près de la moitié possède uniquement un diplôme de l’enseignement secondaire ; de l’autre, le chômage de longue durée reste une spécificité wallonne puisque près de 25% des demandeurs d’emploi sont inactifs depuis cinq ans ou plus.

Boulimie de l’emploi public. Ces vingt dernières années ont été cruciales pour la Wallonie qui a dû muter vers une société de services pour pallier l’effondrement de son industrie. Toutefois, l’erreur a été de miser principalement sur l’emploi public au lieu d’installer des conditions de développement d’un secteur privé fort à même de fournir des emplois, créer  de la richesse et financer notre Sécurité sociale. Aujourd’hui, l’emploi public wallon – qui ne se limite pas à l’administration publique – avoisine les 35% de l’emploi total. C’est le double de la moyenne de l’OCDE ou d’autres pays européens comme l’Allemagne (11%) ou le Royaume-Uni (9,5%). Depuis plus de dix ans, le secteur publique a participé à près de la moitié de la création d’emplois en Wallonie, ce qui démontre une tendance qui perdure au fil du temps et continue de freiner le redressement wallon. Si la fonction public est indispensable dans notre société, elle ne soutient qu’artificiellement l’économie d’une région puisqu’elle est incapable de créer de la valeur ajoutée. Il n’est pas question ici de supprimer le service public : au contraire, il faut que celui-ci soit fort. Cette « force » passe par l’efficacité et la modernité plutôt que par la taille. À côté de cela, la Wallonie doit persévérer dans la dynamisation de secteurs d’innovation et de technologie, de startups qui commencent à percer en Wallonie – bonne nouvelle ! – mais encore trop fragiles par rapport aux entreprises flamandes par exemple.

Déséquilibre des exportations. En adoptant une approche « du chiffre » sur les exportations wallonnes, on pourrait se réjouir de savoir que celles-ci ont augmenté de 2,8% fin 2014. Cette tendance est positive et à contre-courant de ce qui est observé au niveau de la Flandre, de Bruxelles et des autres pays européens. Cette croissance pourrait suffire à elle-même. Pourtant, quand on compare les statistiques de l’IWEPS et de la BNB, on met le doigt sur deux « risques » de déséquilibres pour la Wallonie. Le premier est que, à l’heure de la mondialisation, la Wallonie peine à conquérir de nouveaux marchés dans les pays émergents. Elle concentre son exportation en très grande majorité (85%) sur le marché européen qui n’est actuellement ni un gage de croissance ni une garantie de consommation intensive. Ensuite, on remarque également que les bons chiffres de l’exportation wallonne sont surtout dopés par l’industrie pharmaceutique (1/3 des exportations). Or, même si on peut se féliciter de la bonne santé de ce secteur, il est toujours risqué pour un pays ou une région de « spécialiser » son économie car cela la rend plus sensible aux perturbations macroéconomiques. La Wallonie avait déjà commis cette erreur à l’heure de l’industrialisation ; aujourd’hui, nous espérons qu’elle n’est pas sur le point de répéter l’histoire. 

Défaillance de la formation. Elle est la base de tout. L’Enseignement est l’assurance d’une région compétitive, innovante et au taux de chômage faible. Dans ce domaine, la Wallonie fait pâle figure face aux différents objectifs fixés par l’Union européenne. Alors que la Région devait atteindre le taux de 85% des moins de 22 ans diplômés des humanités, la Wallonie affiche un taux de 78% seulement. Pire, l’objectif de 10% de décrochage scolaire de la Stratégie UE 2020 est loin d’être atteint puisque la Wallonie stagne à 14,7% depuis plusieurs années. Ces jeunes finissent généralement au chômage et pour une longue durée malgré les formations disponibles. Point positif : la Wallonie compte de plus en plus d’universitaires. Cependant, toutes les filières ne sont pas sur un même pied d’égalité et ce sont celles qui forment aux métiers de demain (comme les sciences appliquées et les technologies) qui produisent le moins de nouveaux diplômés, ce qui aura aussi une influence certaine sur la capacité de nos entreprises à innover et à produire de la haute valeur ajoutée. 

Carences sur le numérique. Le numérique représente le futur de notre économie, de notre société et surtout des emplois de demain. La Wallonie a déjà raté le dernier tournant industriel, avec les dégâts socio-économiques qui en ont découlés et dont elle porte encore les stigmates. Hélas, le secteur du numérique wallon est en retard. Il ne représente qu’1,4% du PIB selon l’IWEPS. C’est loin de la Flandre (2,6%) mais surtout de la Région bruxelloise (7,6%). En termes de valeur ajoutée, cela représente à peine 10% de l’ensemble de la production belge. Alors que Paul Magnette parle de « croissance et prospérité durable », la faiblesse du secteur numérique wallon a de quoi inquiéter. Encore une fois, la Wallonie prend le risque de rester à quai alors que toute l’économie mondiale est en pleine évolution.

[1] Standard de Pouvoir d’Achat : cet indice permet de comparer avec plus de précisions les indicateurs économiques des différents pays de la Zone Euro sans tenir compte des différences de prix et de pouvoir d’achat entre ses pays.

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